Charles Péguy et Orléans : un écrivain enraciné dans sa ville

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Table des matières

Dans les ruelles d’Orléans, les pas de Charles Péguy résonnent encore au rythme de la Loire et des canneuses de chaises, rappelant qu’ici un fils d’ouvrière a forgé un patriotisme charnel mêlé de lyrisme gothique. De la maison natale du faubourg Bannier à la flèche de Sainte Croix, la cité ligérienne déroule un itinéraire littéraire vivant qui aligne plaques commémoratives, bancs gravés et fêtes johanniques, invitant le voyageur à lire la ville comme un poème en plein air. Suivre ce fil, c’est mesurer comment un écrivain enraciné a transformé chaque pavé en fragment d’histoire et chaque reflet du fleuve en source d’inspiration, donnant à Orléans un souffle culturel unique.

Aux origines de Charles Péguy à Orléans, quartier Bourgogne et place du Martroi

Naissance et famille ouvrière, fondement du patriotisme social

Le 7 janvier 1873, au 7 rue du Faubourg Bannier, dans le quartier Bourgogne, naît Charles Péguy. Son père, tonnelier, meurt accidentellement quand l’enfant n’a pas un an. La mère, Marie, canne des chaises sous les arcades de la place du Martroi pour nourrir la famille. Dans les cahots des charrettes du marché et le cliquetis des outils, le garçon apprend que la dignité se forge dans le travail manuel. Cette première leçon se muera plus tard en un patriotisme social : la patrie n’est pas une abstraction mais la somme des mains qui la bâtissent. Les funérailles d’un ouvrier mobilisent la rue entière, les fêtes johanniques soudent les habitants, autant de scènes qui marqueront le futur écrivain.

École des Charpenteries et lycée Pothier, berceau de la vocation littéraire

À l’école communale de la rue des Charpenteries, l’instituteur M. Bohn inspire au petit Charles le goût des mots et l’amour de la République méritocratique. Une bourse lui ouvre les portes du lycée Pothier où il excelle en latin, en histoire et surtout en thème français. Après les cours, il franchit la porte de la bibliothèque municipale toute proche, aujourd’hui Médiathèque, pour dévorer Molière, Hugo et Michelet. Entre les longues tables cirées et l’odeur de papier, Péguy rêve déjà d’univ­ersités, de combats d’idées et d’imprimeries. C’est là que germe l’idée des futurs Cahiers de la Quinzaine.

Métiers artisanaux et solidarité républicaine, influences durables

Autour de la place du Martroi, les canneuses, tonneliers, forgerons ou selliers travaillent portes ouvertes. Le jeune Péguy observe leurs gestes précis, les échanges de services, la caisse de secours mutuel qui circule quand la maladie frappe. Cette solidarité républicaine deviendra l’un des pivots de son œuvre : le peuple n’est pas un slogan mais une communauté vivante où chacun tient sa place. Dans Victor Marie, Comte Hugo, les souvenirs du quartier Bourgogne se mêlent à une méditation sur le devoir civique. Même installé à Paris, l’écrivain revient chaque été « respirer la Loire », saluer les anciens compagnons de sa mère et retrouver l’accent chantant des halles. L’Orléans artisanal reste sa matrice intime, le fil rouge qui relie le poète, le militant et le croyant.

La Loire et la cathédrale Sainte Croix, paysages fondateurs dans l’œuvre de Péguy

Symbolisme de la Loire, fleuve royal et mémoire vivante

La Loire scande chaque page péguiste comme un battement cardiaque. L’enfant du faubourg Bannier y voit un « Livre d’Histoire déroulé » où coulent la monarchie, la Révolution, son Orléans ouvrier et la France de 1914. Dans Les Îles, Péguy détaille les bancs de sable mouvants, métaphore d’un pays qui se recompose sans cesse. Promeneur assidu des quais entre le pont Royal et le pont George V, il goûte la lumière changeante, les brumes du petit matin, les miroitements dorés du soir. Le fleuve lui inspire un patriotisme charnel : aimer la France revient à marcher sur ses levées, sentir l’odeur des saules, écouter le clapotis sur les piles de pierre. Cet attachement irrigue tout son lyrisme, de ses poèmes de jeunesse à ses strophes guerrières de 1913.

Cathédrale Sainte Croix, architecture gothique et inspiration spirituelle

Face aux flots, la flèche de Sainte Croix s’élève comme une prière de pierre. Péguy, lycéen puis pèlerin revenu chaque été, s’assoit dans la nef pour « entendre battre le cœur de la cité ». Le vaisseau gothique devient le théâtre intérieur de sa conversion : dans Le Porche du Mystère il décrit les arcades comme « un peuple de voûtes dressé vers la clarté ». La cathédrale incarne l’alliance du sacré et de la République, thème central de son œuvre. Entre les vitraux johanniques et la statue de la Vierge Noire, il forge son catholicisme de la grâce, sans retrancher l’idéal de justice sociale appris sur la place du Martroi. Pour le visiteur d’aujourd’hui, la montée au carillon offre le même panorama que celui qu’il évoquait à ses amis dreyfusards : la Loire en contrebas, le damier des toits, la ligne bleutée de la Sologne.

Topographie orléanaise dans les Cahiers de la Quinzaine

Rue de la Sorbonne à Paris, Péguy imprime ses Cahiers mais la cartographie intime reste orléanaise. Les numéros de 1909 à 1911 fourmillent de repères : place du Châtelet au matin de marché, faubourg Madeleine noyé d’odeurs de braise, chemins de halage où il médite ses slogans dreyfusards. Dans Victor Marie, Comte Hugo il restitue la rumeur des cafés politiques de la rue de Bourgogne, dans Le Porche le lecteur suit une procession qui traverse le cloître pour déboucher sur la Loire. Cette topographie sert de fil rouge narratif, ancre le débat intellectuel dans un décor familier, et offre au promeneur moderne un véritable guide littéraire avant l’heure : chaque coin de rue devient phrase, chaque pont citation, chaque pas un écho de typographie péguiste.

Jeanne d’Arc et patriotisme charnel, piliers de la littérature péguiste

Figure johannique, réconciliation de la foi et de la République

Pour Péguy, l’héroïne libératrice d’Orléans reste l’image la plus nette d’une France capable de conjuguer ferveur chrétienne et idéal civique. Dans le poème dramatique Jeanne d’Arc puis dans Le Mystère de la Charité, il fait dialoguer la jeune bergère avec soldats, clercs et paysans : la sainteté rejoint la cause nationale, la prière rejoint l’engagement. Son célèbre discours du 8 mai 1909, prononcé face à la cathédrale, scande cette conviction : « Ici la France s’est ressaisie », rappelant aux républicains qu’ils tiennent leur liberté d’une pucelle portée par la grâce.

Cette lecture dépasse le simple culte patriotique. Pour le poète, Jeanne incarne la France humble, travailleuse, résolue, le pont entre la « vie éternelle » des sacrements et la « vie temporelle » des institutions publiques. Le visiteur perçoit encore cette fusion dans les vitraux de Sainte-Croix ou sur la place du Martroi où la statue équestre domine la ville, autant de rappels visuels de la trame péguiste.

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Patriotisme charnel, ville natale et poussière du chemin

Péguy parle d’abord de la patrie sentie dans la chair : « nos maisons, nos champs, la poussière du chemin ». Ce patriotisme s’énonce au ras du pavé orléanais, entre les ateliers de canneuses entendus enfant et les marches estivales sur les berges de la Loire. Dans Les Îles ou Victor Marie, Comte Hugo, les ruelles du quartier Bourgogne, la lumière réverbérée sur les toits d’ardoise et l’odeur des marchés deviennent partie prenante du récit national.

L’écrivain n’oppose jamais le terroir à l’universel : la France se perçoit dans chaque pavé du Martroi, chaque sentier de sologne, chaque kilomètre parcouru à pied vers Chartres. Le lecteur goûte cette proximité quand il croise, au détour d’un vers, une simple herbe des fossés ou la silhouette d’un batelier. Le voyageur d’aujourd’hui retrouve ces traces en longeant la Loire, bordée de citations gravées qui rappellent que la patrie s’éprouve d’abord avec les sens.

Mémoire historique, dialogues entre Moyen Âge et Révolution

La plume péguiste tisse un fil continu entre la chevalerie de 1429 et les bataillons citoyens de 1789. Dans les Cahiers de la Quinzaine, il convoque Thomas d’Aquin un jour, Danton le lendemain, affirmant que la fidélité à l’héritage médiéval n’exclut pas l’élan révolutionnaire. Orléans sert de creuset : la vieille muraille qui vit passer Jeanne côtoie les plaques rappelant les clubs jacobins de la ville.

Cette superposition des époques nourrit une dramaturgie de la mémoire. Dans Notre jeunesse, le poète fait parler les morts pour éclairer les vivants, soulignant que « toute histoire est contemporaine ». Flâner dans les rues devient dès lors un exercice d’archéologie affective ; chaque pierre propose un dialogue silencieux entre la flamme médiévale et la braise révolutionnaire, exactement ce que Péguy voulait entendre résonner dans son œuvre comme dans sa ville.

Engagement républicain et spiritualité chrétienne, trajectoire politique de Péguy

Dreyfusisme et socialisme artisanal, combat pour la justice

En 1898, l’affaire Dreyfus éclate. Charles Péguy, formé à l’école laïque de la rue des Charpenteries et aux débats du marché du Martroi, publie dans Les Cahiers de la Quinzaine des textes qui fustigent l’antisémitisme. L’artisanat familial lui sert de boussole : le tonnelier qui fut son père et la canneuse qu’est sa mère incarnent ce « peuple travailleur » que la République doit défendre. Son socialisme est d’atelier plus que de meeting, nourri par la camaraderie des ouvriers orléanais et par le souvenir des veillées au bord de Loire.

Quand la SFIO privilégie les stratégies électorales, il claque la porte. Endetté, il poursuit la lutte seul, imprime tracts et plaquettes à ses frais et soutient les grèves du Loiret. Péguy place l’exigence de justice au-dessus des étiquettes, fidèle à l’esprit des ruelles du faubourg Bannier où le mot donné vaut contrat.

Conversion à un catholicisme de la grâce, sans renier la question sociale

À partir de 1907, les marches Orléans-Chartres qu’il effectue presque chaque année ouvrent une voie intérieure. Sous les voûtes de Sainte-Croix ou dans le souffle des plaines beauceronnes, il entre dans un christianisme fondé sur la grâce. Le Mystère de la Charité de Jeanne d’Arc fait dialoguer foi et misère, comme si la voix de la sainte croisait celle des canneuses de chaises.

L’ancien dreyfusard garde le réflexe civique : il défend la séparation des Églises et de l’État, soutient les syndicats et rappelle que la prière ne dispense pas du combat social. Quand il revient l’été respirer la Loire, il écrit que la patrie s’étend jusqu’au plus petit des marginaux, tout comme le fleuve reçoit chaque affluent.

Mort au front en 1914, naissance du mythe du poète soldat

Mobilisé en août 1914, le lieutenant Péguy quitte Orléans avec ses carnets, confiant à un ami que la Loire le suivra partout. Le 5 septembre, à Villeroy, il tombe d’une balle au front alors qu’il entraîne sa compagnie. Le soir même, ses vers résonnent sur la plaine : « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle ».

L’annonce de sa mort fait de lui le poète soldat par excellence. Les cloches de Sainte-Croix sonnent le glas, Les Cahiers publient un numéro spécial et une plaque est apposée mail Saint-Euverte. Aujourd’hui, le promeneur lit encore ses strophes gravées sur les quais, rappel que l’écrivain reste à jamais lié aux pavés d’Orléans et aux tranchées de la Marne.

Itinéraires tourisme littéraire, sur les pas de Charles Péguy à Orléans

Maison natale et plaque commémorative, point de départ du circuit

Au 7 rue du Faubourg Bannier, une discrète plaque grise rappelle la naissance de Charles Péguy le 7 janvier 1873. Le bâtiment, simple maison de faubourg, ne se visite pas mais reste l’étape zéro du parcours. On y lit l’extrait : « Dans cette poussière j’ai appris la France ». Le visiteur se trouve déjà dans le quartier Bourgogne, mélange de boutiques et d’ateliers qui raconte le milieu artisanal de la mère canneuse et du père tonnelier, racines du patriotisme social du futur écrivain.

  • Accès direct depuis la gare, 400 m à pied.
  • Code QR au pied de la plaque, extrait audio de Jeanne d’Arc.
  • Façade exposée plein est : lumière idéale le matin pour une photo.

Centre Charles Péguy, manuscrits et expositions permanentes

Installé rue du Tabour dans une ancienne bâtisse canoniale, le Centre conserve plus de 6 000 feuillets autographes, éditions originales et objets personnels. Le parcours muséographique fait dialoguer poèmes et cartes postales d’Orléans 1900, éclairant la géographie intime de l’auteur. Une salle entière s’attache à Jeanne d’Arc, avec la première édition illustrée du Mystère de la Charité. Chaque mercredi, lecture commentée du Porche du Mystère face à la reproduction du vitrail de la cathédrale qu’il admirait.

  • Entrée libre du mardi au samedi, dons bienvenus pour la restauration des Cahiers de la Quinzaine.
  • Visite guidée d’une heure, réservation en ligne, français et anglais.
  • Boutique : tirages limités, fac-similé de lettres aux maîtres orléanais.

Quais de Loire et citations in situ, expérience slow tourism

Depuis le Centre, trois rues mènent aux quais où la Loire s’étire dans la lumière. Chaque banc porte une strophe gravée, parmi lesquelles « Heureux ceux qui sont morts… » ou « Il n’y a rien de plus beau que la Loire à Orléans ». La promenade fluviale, deux kilomètres entre le pont George-V et le pont de l’Europe, invite à marcher au rythme du fleuve comme Péguy lors de ses retours estivaux. Odeur sablonneuse, brume du soir, ballets de péniches : la littérature rejoint le corps en mouvement.

  • Borne audio solaire quai du Châtelet, archives sonores de 1931.
  • Panneau sur la faune ligérienne, clin d’œil à l’écologie avant l’heure de Péguy.
  • Bancs accessibles PMR, sanitaires publics quai du Fort-Alleaume.

Application mobile et balisage patrimonial, outils pratiques pour le visiteur

L’application gratuite « Péguy Orléans » propose géolocalisation, commentaires audio, cartes anciennes superposables et mode hors-ligne. Douze stations jalonnent le circuit, de la gare aux quais, chacune signalée par une borne en fonte ornée d’un logo plume. Un système de points débloque des bonus, dont la numérisation intégrale de Cinq Prières dans la cathédrale. Interface disponible en français, anglais, espagnol, plus un parcours enfant avec quiz.

  • Balisage lumineux blanc la nuit, idéal pour une balade crépusculaire.
  • Temps moyen du parcours : 1 h 30 en marche tranquille.
  • Accessibilité totale poussettes et fauteuils roulants.

Les fêtes johanniques d’Orléans, héritage célébré par Péguy

Histoire des commémorations, de 1429 à aujourd’hui

Le 8 mai 1429, Jeanne d’Arc libère Orléans. Dès l’année suivante, la ville décrète une procession annuelle, prolongée sous Louis XI puis par François Ier. Les défilés prennent des allures de théâtre de rue, compagnons et confréries rejouant le siège sur les quais. Sous la Révolution, la cérémonie survit, rebaptisée « Fête du peuple ». Napoléon III relance le faste en 1855 : chars fleuris, corporations, fanfares. Après la loi de séparation des Églises et de l’État, le cortège se scinde en deux : messe à Sainte-Croix, hommage républicain place du Martroi. Depuis 1959, la municipalité articule les deux volets dans un programme de six jours. Les éditions récentes attirent entre 80 000 et 100 000 visiteurs, avec un parcours nocturne son et lumière sur la cathédrale et une reconstitution du bûcher au bord de Loire.

Discours de 1909, quand Péguy exalte la France ressaisie

Invité pour le 480e anniversaire, Charles Péguy se tient sur le parvis de Sainte-Croix, visage tourné vers la statue de la Pucelle. Sa voix porte : « Ici la France s’est ressaisie comme un soldat qui ramasse son arme ». Le ton est grave, la phrase brève, scandée par des images de poussière d’armes et de sillons fertiles. Péguy refuse la rhétorique chauvine ; il loue une France « mariée au monde paysan », rassemblée par le sacrifice d’une jeune fille. Le discours, publié dans Les Cahiers de la Quinzaine, circule jusqu’aux tranchées de 1914. Les combattants y lisent la promesse d’une patrie qui ne se résume pas à des frontières mais à une fidélité, mot qu’il grave trois fois dans son texte comme un refrain de marche.

Tourisme événementiel, impact culturel et attractivité de la ville

Autour des fêtes, l’office de tourisme orchestre un agenda dense : village médiéval place de Loire, conférences au Centre Charles-Péguy, visites guidées costumées dans le quartier Bourgogne. Les hôteliers affichent des taux de remplissage de 95 % sur le week-end du 8 mai, contre 68 % hors saison. Les artisans profitent de la forte demande en blasons, rubans aux couleurs bleu et or, répliques de heaumes. Orléans capitalise sur cette manne pour restaurer ses remparts, financer la scénographie du musée Jeanne d’Arc et soutenir la recherche autour de l’œuvre péguiste. Le succès populaire conforte l’image d’une ville qui sait conjuguer histoire, création contemporaine et hospitalité ligérienne.

Œuvres majeures inspirées par Orléans, de Jeanne d’Arc au Porche du Mystère

Jeanne d’Arc, poème dramatique et souffle épique

À vingt-quatre ans, l’ancien élève du lycée Pothier publie Jeanne d’Arc (1897), poème dramatique de près de 2500 vers. Le texte rassemble les résonances captées place Sainte-Croix lors des fêtes johanniques et les visages de la rue de Bourgogne, mêlant patois des artisans, scansions bibliques et élan républicain. Sur scène, le sac de blé du marché du Martroi voisine avec l’étendard blanc à fleur de lys : la ville natale devient décor vivant où la libératrice franchit la Loire et réveille la France. Péguy signe alors un manifeste de patriotisme charnel : l’héroïne n’est pas seulement sainte, elle incarne la paysanne du Val de Loire qui défend ses champs, ses ponts, son clocher.

Le Mystère de la Charité, théâtre spirituel enraciné

Écrit en 1910 entre deux retours au bord du fleuve, Le Mystère de la Charité de Jeanne d’Arc reprend la figure johannique mais la dépouille du fracas des armes. Trois voix, Jeanne, Hauviette et Madame Gervaise, dialoguent à la manière des veillées d’Orléans où les canneuses tressaient leurs sièges en évoquant la misère du temps. Le langage populaire, teinté d’occitan et de vieux français ramassé sur les étals, plonge le lecteur dans l’arrière-boutique d’une France rurale en quête de grâce. Le théâtre devient confessionnal : la vocation spirituelle trouve sa source dans la solidarité éprouvée rue des Charpenteries et dans les souvenirs d’école laïque, quand l’instituteur enseignait la République en récitant Corneille.

Le Porche du Mystère, dialogue intérieur avec la cité ligérienne

Composé en 1911 après une marche solitaire sur la levée, Le Porche du Mystère de la deuxième vertu emprunte son titre à l’architecture de la cathédrale Sainte-Croix. La prose versifiée se déroule comme un pèlerinage qui descend du lycée à la Loire puis remonte à la nef gothique. Chaque halte correspond à une vertu : espérance, foi, charité. Les petites rues pavées, les échoppes de tanneurs et la brume du fleuve fournissent la matière concrète d’un dialogue entre l’âme et la ville. L’écrivain y scelle sa conversion au catholicisme dans une langue qui marie raison républicaine et ferveur médiévale, faisant d’Orléans le carrefour où se rejoignent l’histoire de France et la quête intérieure.

Cinq prières dans la cathédrale, testament poétique à Orléans

Publié à titre posthume en 1920, le cycle des Cinq prières dans la cathédrale d’Orléans sonne comme un adieu au chœur de Sainte-Croix. Rythme lent, silences de pierre, écho de l’orgue : Péguy dépose sur chaque travée un fragment de sa biographie, du pupitre de l’école des Charpenteries à la tranchée de Villeroy. La poésie s’appuie sur des détails que le visiteur peut encore voir : vitraux retraçant le siège de 1429, clé de voûte fleurdelisée, traces des incendies révolutionnaires. Entre deux invocations, le poète rappelle la fraternité du peuple travailleur et la mémoire des morts de 14 : « Heureux ceux qui sont morts pour les cités charnelles ». Ces vers inscrivent Orléans dans la grande prière de la nation et ferment le cercle d’une œuvre entièrement nourrie par la ville ligérienne.

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Héritage et mémoire vivante, Orléans capitale péguiste contemporaine

Centre Charles Péguy, expositions et conférences renouvelées

Installé rue du Tabour dans une maison à pans de bois, le Centre Charles Péguy ressemble à un laboratoire où l’œuvre respire encore. Manuscrits, Cahiers de la Quinzaine et lettres à ses maîtres y dialoguent avec des dispositifs numériques, écrans tactiles et podcasts qui rendent la pensée du poète accessible à tous les publics. Chaque saison une micro-exposition éclaire un thème : la Loire au crépuscule, le patriotisme charnel, la spiritualité militante. Ces focus temporaires sont doublés de lectures scéniques et de conférences où chercheurs, enseignants et comédiens se croisent. La salle haute accueille régulièrement des clubs de lecture ; on y entend aussi des lycéens déclamer Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, preuve que le lieu reste un carrefour civique autant que littéraire.

Parcours Sur les pas de Péguy, panneaux QR et visites guidées

Onze bornes patrimoniales relient la gare aux quais de Loire. Un simple scan de QR code fait surgir, sur smartphone, la voix d’un comédien lisant un extrait associé au point exact : la ruelle des Charpenteries où l’écolier rêvait, la place du Martroi où sa mère tressait l’osier, les voûtes de la cathédrale qui l’éblouissaient. Deux fois par semaine, un guide-conférencier complète ce parcours par des anecdotes tirées des archives municipales : l’achat de son premier cahier, ses retours d’été à bicyclette, ses prises de parole lors des fêtes johanniques. La promenade se termine sur la Loire, face au flux majestueux qu’il qualifiait de livre d’histoire déroulé, avant un moment libre pour feuilleter des fac-similés mis à disposition sur un banc de chêne.

Toponymie et enseignement, Péguy dans la mémoire collective

Dans la ville :

  • rue Charles-Péguy à La Source, artère verdoyante bordant la bibliothèque universitaire
  • école élémentaire Charles-Péguy dans le quartier Saint-Marceau, inaugurée en 1963
  • plaque au lycée Pothier, cour des Humanités, rappel de ses années de rhétorique

Dans les esprits : le nom revient chaque printemps avec les épreuves de français du bac, qui citent souvent Le Porche du Mystère. Les enseignants d’histoire complètent par une sortie sur les traces du poète, carnet de croquis en main. Au delà d’Orléans, plus de 300 voies, places ou établissements scolaires portent son nom en France, signe qu’un ancrage local peut rayonner largement quand il touche aux valeurs républicaines, au sens du travail et à la foi dans l’école laïque.

Statues, inscriptions et événements, un héritage en mouvement

Sur le mail Saint-Euverte, la silhouette de bronze inaugurée pour le centenaire de 2014 représente Péguy en tenue de lieutenant, carnet à la main. Les passants s’y prennent souvent en photo avant de filer vers le quai du Châtelet où une strophe gravée dans le granit rappelle le sacrifice des soldats de 1914. Au cœur des fêtes johanniques, sa poésie s’invite chaque 8 mai : au pied de la cathédrale un chœur d’enfants reprend ses vers dédiés à Jeanne tandis que des étudiants déclament ses discours place Sainte-Croix. En novembre, le festival Livres ouverts organise une nuit de la lecture péguiste, alliant DJ set et lectures à voix haute. L’héritage évolue au rythme de ces rendez-vous, preuve qu’Orléans ne fige pas son écrivain mais le fait dialoguer avec les habitants d’aujourd’hui.

Du faubourg Bannier aux voûtes de Sainte Croix, Orléans montre comment l’enfance ouvrière de Charles Péguy a forgé un patriotisme social et une poésie charnelle qui irriguent encore chaque rue. « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle », gravé sur le quai, rappelle à des milliers de visiteurs que la Loire reste un livre ouvert où se lisent histoire, foi et justice. Demain, qui prendra le relais du poète pour faire résonner ces mots en marchant au bord du fleuve au soleil couchant ?

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